Nous avons adopté à travers les siècles des expressions que nous savons fausses, mais que nous persistons à utiliser. Par exemple : que le soleil se lève ou qu’il se couche. Le problème, c’est que nous sommes incapables d’imaginer que nous existons sur un corps céleste en mouvement.
Il y a quelques années, j’ai fait une drôle d’expérience à ce sujet. Nous étions en Inde, dans le désert du Thar, tout près de la frontière du Pakistan. Pendant quelques jours, nous avons fait route sur des chameaux. Nous dormions sur le sable, étendus sur une simple couverture. La première nuit, je n’ai pas fermé l’œil. J’étais couchée sur le dos, je contemplais les étoiles et je voyais bien que je perdais des bouts de ciel à mesure que le temps passait. Pour la première fois de ma vie, j’avais conscience que c’est bien la rotation de la Terre qui détermine les jours et les nuits. Et non seulement je percevais le mouvement de ma planète, mais je me sentais comme une partie de notre Système solaire, lui-même accroché quelque part sur un des bras de notre galaxie, la Voie lactée. Je la voyais elle-même plongée dans un amas de galaxies, et le tout entouré de milliards et de milliards d’autres. Et étrangement, je n’avais pas le sentiment d’être minuscule. Au contraire, j’étais bien une partie du grand tout ! Je me suis finalement endormie, en plein voyage intergalactique.
Au petit matin, j’ai ouvert les yeux pour constater que l’Univers s’était transformé en une énorme tête aux bajoues pendantes qui m’observait tranquillement… Je lui ai dit :
— Est-ce que tu sais que la Terre tourne sur elle-même ?
Le monstre a haussé les bosses et a fait demi-tour.