Lorsque je quitte le Québec pour plusieurs mois, j’emporte uniquement un petit sac à dos que je prends avec moi dans l’avion. En plus de mes vêtements et des objets indispensables, j’y range un cahier à dessin, mes couleurs et mon ordinateur. Comme vous le voyez, je voyage léger. J’essaie aussi de voyager léger dans ma tête. De laisser derrière moi une façon de faire, des habitudes, des préjugés, des certitudes…
Lorsque je regarde les gens vivre dans des cases en Afrique, dans des cabanes sur pilotis en Asie, des abris de carton dans les bidonvilles… je me dis que j’ai plus de choses dans mon bagage qu’ils en ont dans leurs maisons. Et je prends conscience des disparités qui nous séparent, bien que nous soyons tous des habitants d’une même petite planète.
Voyager léger comporte par ailleurs ses inconvénients. Nous ne sommes pas autorisés à tout emporter dans la cabine. Un jour, nous étions dans un aéroport au nord de l’Inde quand le préposé à la sécurité a découvert dans mon sac à dos un stylet (couramment appelé cutter ou Exacto). Je lui ai vite expliqué que je l’utilisais pour couper les cartons sur lesquels je peignais. Pour preuve, je lui ai montré ma dernière aquarelle d’une femme indienne. Pendant qu’il feuilletait les pages de mon cahier à dessin, je me suis souvenue que les terroristes qui ont détourné les avions sur le World Trade Center avaient utilisé ce simple objet. J’étais horrifiée ! Quel oubli ! Qu’allait-il m’arriver ?
Le fonctionnaire examinait le cutter minutieusement. Il faisait coulisser la lame en dehors et en dedans tout en réfléchissant. J’avais peur ! Allaient-ils m’arrêter ?
Puis, un sourire jovial est apparu sur son visage. Il m’a tendu mon instrument en me disant en anglais :
— Vous pouvez le prendre avec vous dans l’avion si vous me promettez que vous ne le sortirez pas de votre sac.
Abasourdie par sa manière de concevoir la sécurité, je lui ai répondu : — Promis !